SOLOMON MARCUS

20 questions
pour Luc Montagnier

 
 

Monsieur le Professeur, les médecins ont la réputation de pratiquer un langage difficile à comprendre, mais les mathématiciens en ont la même. Mais j’espère, selon l’exemple de l’algèbre où la superposition de deux moins donne un plus, qu’on va dépasser cette difficulté; vos livres montrent que, dans la plupart des cas, on peut vous suivre et, plus que cela, vous gagnez l’attention et l’intérêt du lecteur. Je dis cela après avoir lu tant Les combats de la vie que Le Nobel et le moine et plusieurs articles que vous avez publiés. J’ose dire que vous avez l’art de séduire le lecteur et moi aussi je me déclare séduit par vos écrits. Un des moyens que vous utilisez systématiquement à cet égard c’est la métaphore auquel on va dédier une place spéciale. Pour l’instant, il n’y a en a pas question. Ce n’est qu’une déclaration de séduction.
      Maintenant, commençons avec les questions.

      1. Vous venez d’avoir, il y a quelques semaines, 80 ans. Vous affirmez quelque part: «Moi, je crois que je suis toujours jeune» et vous donnez immédiatement un argument pour une longue vie: «…il y a tant de choses à connaître. Rien que pour la musique, si vous voulez écouter les trois siècles d’or, il vous faudra plus de 200 ans. Ce qui est sûr – si l’on vit jusqu’à 120 ans, ce qui n’est pas impossible aujourd’hui – c’est qu’on ne va pas garder le même métier toute sa vie. C’est très intéressant. C’est-à-dire que, ce n’est pas naturel de rester tout le temps dans le même métier». Vous développez votre plaidoirie pour vivre longtemps dans Les combats de la vie: «pour pouvoir accéder plus longtemps à cette somme de connaissances qui s’accroît de jour en jour», pour «bénéficier et jouir des arts vivants des différentes cultures», pour «écouter les chefs-d’œuvre des trois siècles d’or de la musique» pour «avoir la joie de transmettre son savoir aux générations suivantes» et vous ajoutez:
      «Il se dégage toujours de la longue vie d’expérience d’un être humain une conscience plus intense de sa situation au sein de ses semblables et dans l’Univers, et même parfois une certaine sagesse». C’est magnifique, on devrait mettre vos réflexions sur les murs de toutes les écoles et de toutes les universités.
      Et pourtant, la lecture de vos réflexions sur ce sujet m’oblige de vous confier mon amertume: mon impression est que la plupart des gens de la jeune génération sont programmés de ne jamais accéder aux œuvres de création culturelle que vous venez d’évoquer dans cette citation, de ne jamais comprendre la beauté d’un vers, d’une formule mathématique ou de la physique, d’une réaction chimique. C’est le résultat de l’orientation presque exclusive de l’enseignement vers les aspects opérationnels, formels, aux dépens des aspects sémantiques, on constate un manque de motivation pour l’apprentissage, un manque d’intérêt pour la culture et, en général, pour les œuvres intellectuelles. On adopte l’hypothèse selon laquelle les enfants, dans leur majorité, ne sont pas programmés à comprendre la création culturelle sous ses différentes formes, et que leur destin est de rester des esclaves culturels. Comme dans l’Antiquité, où il y avait les arts libres, les arts libéraux et les autres métiers qui étaient pour les esclaves.
      Quel est votre point de vue à cet égard? […]

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