Je suis émue de m’adresser à cette assemblée, dans un cadre à la fois officiel et chaleureux: officiel, puisque étant investie par le Président de l’Institut Culturel Roumain en tant que Commissaire Général Roumain pour le Salon du Livre, je vous parle lors de cette première rencontre qui sera suivie par une sélection soigneusement choisie d’auteurs roumains, dont deux ici présents, mettant la Roumanie à l’honneur pour la trente troisième édition du Salon du Livre de Paris; je disais chaleureux, également, puisque depuis notre première rencontre avec nos partenaires français, et comme toujours chez nos amis de l’Institut Francais de Bucarest, nous nous sommes sentis accueillis au sein d’une seule et même famille d’esprits.
Et c’est d’autant plus honorant pour moi de vous saluer dans l’Hôtel de Behague, lieu emblématique, qui relie nos deux cultures par tant de richesses.
J’ai tenu à signaler ces rencontres par un clin d’oeil symbolique, par une oeuvre retrouvée dans la Bibliothèque Nationale de France grâce à l’une de mes compatriotes, Madame Alina Ledeanu, directrice de la revue de synthese culturelle Secolul 21; il s’agit d’un manuscrit de Paul Valéry, dont la découverte fut une surprise même pour la fille du poète, Madame Agathe Valéry. La publication de ce manuscrit fut réalisée dans Secolul 21, une prestigieuse revue littéraire roumaine qui sera présente au Salon par un numéro bilingue, « Spécial Bucarest-Paris ». C’est aujourd’hui la première fois que ce manuscrit est signalé à la source même de son écriture, car le Palais de Behague fut lieu de travail pour Paul Valéry, qui tenait ici même un joyau de bibliothèque, d’une sérieuse et serène complexité.
Vous lisant ces quelques mots, je me sens habitée d’une joie et d’une responsabilité qui transgressent le lieu même de ce Salon.
Les relations d’amitié littéraire et de pensée entre nos deux pays traversent les siècles et, nous l’espérons, continueront toujours.
Avec l’équipe que je dirige pour la réussite de ce Salon — Olivia Horvath, Claudia Droc et Mădălina Tureacă, des collègues aussi amoureuses que moi de la littérature française —, nous nous responsabilisons pour mettre le meilleur à l’oeuvre en vue de ce beau projet, initié par mes collègues bien avant mon arrivée.
Je suis d’autant plus contente d’être accompagnée dans ce travail par Laure Hinckel, collègue de longue date et véritable professionnelle de la littérature roumaine, avec une sensibilité particulière pour notre pays, comme nous en avons pour le sien.
Mais je laisse les paroles de Paul Valéry s’exprimer pour clôre cette brève présentation:
„…Chers amis roumains, qui êtes si loin, mais qui êtes si près — je m’assure que vous me comprenez, et que vous sentez comme moi l’importance de ces inutilités — et ce qu’il y a d’essentiel dans ce luxe de la pensée, dont la poésie, les arts, la science pure sont les fruits [;] et je sais, moi, que je n’ai pas besoin de vous prêcher et de vous exhorter à me croire — Mais c’est autour de vous que je vous demande de [dire] et de redire nos vérités.
Je me permets de rappeler ici, comme je l’ai fait maintes fois, à Genève et ailleurs, quand la Coopérations Intellectuelle réunissait des hommes de toute nation pour confronter leurs vues — [j’ai] demandé avec insistance, qu’ une Politique de l’Esprit, comme il y a une politique d’or, du blé ou du pétrole…
Et j’entendais par là, qu’une place fût faite dans les préoccupations principales des États, à ces valeurs immatérielles.
Je me permets en particulier (et c’est bien naturel) de vous recommander la poésie — cette noblesse du langage et je vous adresse le salut de notre espoir spirituel commun.“
(Par scrupule philologique on a reproduit le manuscrit comme notre collègue l’avait découvert dans le fonds des manuscrits de Paul Valéry, à la Bibliothèque Nationale de France).